Des scientifiques de l’EPFL et d’IBM Research ont mis au point un amplificateur optique compact basé sur une puce photonique qui surpasse largement les amplificateurs optiques traditionnels en termes de largeur de bande et d’efficacité. Cette percée pourrait remodeler les interconnexions des centres de données, les accélérateurs d’IA et l’informatique à haute performance.
Les réseaux de communication modernes s’appuient sur des signaux optiques pour transférer de grandes quantités de données. Mais tout comme un faible signal radio, ces signaux optiques doivent être amplifiés pour parcourir de longues distances sans perdre d’informations. Les amplificateurs les plus courants, les amplificateurs à fibre dopée à l’erbium (EDFA), remplissent cette fonction depuis des décennies, permettant des distances de transmission plus longues sans qu’il soit nécessaire de régénérer fréquemment le signal. Cependant, ils fonctionnent dans une largeur de bande spectrale limitée, ce qui restreint l’expansion des réseaux optiques.
Pour répondre à la demande croissante de transmission de données à grande vitesse, les chercheurs ont cherché à développer des amplificateurs plus puissants, plus flexibles et plus compacts. Bien que les accélérateurs d’intelligence artificielle, les centres de données et les systèmes informatiques à haute performance traitent des quantités de données toujours plus importantes, les limites des amplificateurs optiques existants deviennent de plus en plus évidentes.
Le besoin d’une amplification à bande ultra large – des amplificateurs qui fonctionnent sur une plus large gamme de longueurs d’onde – est plus pressant que jamais. Les solutions existantes, telles que les amplificateurs Raman, offrent quelques améliorations, mais elles sont encore trop complexes et trop gourmandes en énergie.
Des chercheurs dirigés par Tobias Kippenberg de l’EPFL et Paul Seidler d’IBM Research Europe – Zurich ont mis au point un amplificateur paramétrique à ondes progressives (TWPA) basé sur une puce photonique qui permet d’amplifier les signaux à très large bande dans une forme compacte sans précédent. Utilisant la technologie du phosphure de gallium sur dioxyde de silicium, le nouvel amplificateur atteint un gain net de plus de 10 dB sur une largeur de bande d’environ 140 nm, soit trois fois plus qu’un EDFA conventionnel en bande C.
La plupart des amplificateurs s’appuient sur des éléments en terres rares pour renforcer les signaux. Le nouvel amplificateur utilise au contraire la non-linéarité optique, une propriété selon laquelle la lumière interagit avec un matériau pour s’amplifier. En concevant avec soin un minuscule guide d’ondes en spirale, les chercheurs ont créé un espace où les ondes lumineuses se renforcent mutuellement, ce qui permet d’amplifier les signaux faibles tout en maintenant le bruit à un faible niveau. Cette méthode rend non seulement l’amplificateur plus efficace, mais lui permet également de fonctionner sur une gamme beaucoup plus large de longueurs d’onde, le tout dans un dispositif compact de la taille d’une puce.
L’équipe a choisi le phosphure de gallium en raison de ses propriétés optiques exceptionnelles. Tout d’abord, il présente une forte non-linéarité optique, ce qui signifie que les ondes lumineuses qui le traversent peuvent interagir d’une manière qui renforce l’intensité du signal. Deuxièmement, son indice de réfraction élevé permet de confiner étroitement la lumière à l’intérieur du guide d’ondes, ce qui améliore l’efficacité de l’amplification. En utilisant le phosphure de gallium, les scientifiques ont obtenu un gain élevé avec un guide d’ondes de quelques centimètres de long seulement, ce qui réduit considérablement l’encombrement de l’amplificateur et le rend utilisable pour les systèmes de communication optique de la prochaine génération.
Les chercheurs ont démontré que leur amplificateur à base de puce pouvait atteindre jusqu’à 35 dB de gain tout en maintenant un faible niveau de bruit. En outre, des signaux remarquablement faibles ont pu être amplifiés, l’amplificateur gérant des puissances d’entrée de plus de six ordres de grandeur. Ces caractéristiques rendent le nouvel amplificateur très adaptable à une variété d’applications au-delà des télécommunications, telles que la détection de précision
L’amplificateur a également amélioré les performances des peignes de fréquences optiques et des signaux de communication cohérents – deux technologies clés des réseaux optiques modernes et de la photonique – montrant que de tels circuits intégrés photoniques peuvent surpasser les systèmes d’amplification traditionnels à base de fibres.
Le nouvel amplificateur a des implications considérables pour l’avenir des centres de données, des processeurs d’intelligence artificielle et des systèmes informatiques à haute performance, qui peuvent tous bénéficier d’un transfert de données plus rapide et plus efficace. Les applications ne se limitent pas à la transmission de données, mais englobent également la détection optique, la métrologie et même les systèmes LiDAR utilisés dans les véhicules à conduite autonome.
Légende illustration : Macrophotographie empilée au point d’une puce photonique fabriquée en phosphure de gallium comportant plusieurs guides d’ondes en spirale et d’autres structures d’essai. La largeur de la puce n’est que de 0,55 cm. En raison de la forte non-linéarité Kerr du phosphure de gallium, de l’indice de réfraction élevé et de l’absorption à deux photons négligeable, cette puce permet d’obtenir une amplification paramétrique optique et une conversion de fréquence extrêmement efficaces sur les bandes de communication S, C et L. Crédit: Nikolai Kuznetsov (EPFL).
References : Kuznetsov, N., Nardi, A., Riemensberger, J., Davydova, A., Churaev, M., Seidler, P., Kippenberg, T. J. An ultra-broadband photonic-chip-based traveling-wave parametric amplifier. Nature 12 March 2025. DOI: 10.1038/s41586-025-08666-z
Source : EPFL