L’exploration des mécanismes cérébraux à une échelle jamais atteinte suscite un intérêt croissant dans les cercles scientifiques. Une technologie innovante, qui s’appuie sur des fibres optiques d’une finesse exceptionnelle et des techniques holographiques, pourrait bien modifier la manière dont les chercheurs observent le fonctionnement du cerveau. Mais comment cette approche permet-elle de mieux comprendre les maladies neurologiques complexes ?
Une technologie holographique révolutionnant l’observation neuronale
Une équipe européenne composée de chercheurs issus d’Allemagne, de République tchèque et de Belgique travaille actuellement au développement d’un système d’imagerie inédit. Ce dispositif repose sur un endoscope holographique capable de pénétrer profondément dans le cerveau grâce à une fibre optique d’une épaisseur inférieure à celle d’un cheveu humain. Le projet NEUROGATE bénéficie d’un financement de 2,5 millions d’euros accordé par le Conseil européen de l’innovation (EIC), afin de tester son potentiel pour des applications biomédicales.
La capacité de cet outil à observer des circuits neuronaux avec une résolution subcellulaire tout en minimisant l’invasivité a été soulignée comme étant un atout majeur. «Cette technologie marque un tournant en neurosciences», déclare le Prof. Dr Tomáš Čižmár, directeur de département à l’Institut Leibniz de technologie photonique (Leibniz IPHT) et professeur à l’Université Friedrich Schiller de Iéna. Il ajoute que «grâce à NEUROGATE, nous passons à un niveau supérieur pour étudier l’activité neuronale dans des conditions naturelles avec une précision sans précédent». Ces avancées pourraient ainsi enrichir considérablement la compréhension des pathologies neurologiques.
Le développement d’une technologie primée
Depuis 2017, les travaux de Čižmár ont progressivement abouti à des résultats significatifs, notamment en matière d’endoscopie holographique. En 2024, ses recherches menées conjointement à l’Institut Leibniz IPHT, à l’Université de Iéna et à l’Institut des instruments scientifiques de l’Académie des sciences tchèque à Brno ont été distinguées par deux prix prestigieux : celui du ministre tchèque de l’Éducation et le Prix des sciences de la vie de la Société européenne de microscopie.
Les efforts de ce chercheur ont également permis de jeter les bases d’une collaboration industrielle. La jeune entreprise DeepEn, basée à Iéna, joue un rôle clé dans la commercialisation de cette technologie. Fondée en 2024 par des membres du groupe de recherche de Čižmár, elle a reçu le prix spécial dédié aux jeunes entreprises lors des Trophées de l’innovation de Thuringe. Sergey Turtaev, PDG de DeepEn, affirme : «Notre objectif est de traduire les percées scientifiques en applications commercialisables.» Selon lui, «l’endoscopie holographique pourrait transformer radicalement la recherche biomédicale».
Dr Hana Uhlirova, responsable des activités de l’ISI, insiste sur l’importance de tester cette technologie dans des conditions réelles. Elle explique : «Ce projet nous offre l’opportunité de faire des progrès décisifs en neurosciences.» De son côté, Prof. Sebastian Haesler de NERF exprime sa satisfaction : «Nous sommes ravis de mettre notre expertise au service du développement d’applications neurotechnologiques visant à mieux comprendre le cerveau et à élaborer de nouvelles approches thérapeutiques.»
De la recherche fondamentale à la validation clinique
L’objectif principal de NEUROGATE consiste à amener cette technologie au niveau de préparation technologique TRL6, soit à valider son fonctionnement sous des conditions réalistes. Ce stade représente une étape essentielle avant son déploiement dans la recherche biomédicale puis, éventuellement, dans des applications cliniques. Les précédents projets de Čižmár, tels que WOKEGATE et STROKEGATE, ont déjà démontré leur capacité à explorer des réseaux neuronaux et à analyser les effets des accidents vasculaires cérébraux.
Le marché potentiel des endoscopes holographiques est estimé à plus de 850 millions d’euros. Cette technologie pourrait redéfinir la manière dont sont diagnostiquées et traitées les maladies neurologiques. Le Prof. Čižmár conclut : «Avec NEUROGATE, nous montrons comment combiner recherche fondamentale et transfert technologique pour répondre à des défis sociétaux importants.»
Légende illustration : L’endoscope à fibre optique ultrafin. Image : Sven Döring/Leibniz-IPHT
Outre l’Institut Leibniz IPHT et DeepEn, deux autres partenaires participent activement au projet NEUROGATE. L’Institut des instruments scientifiques de l’Académie des sciences tchèque à Brno et Neuro-Electronics Research Flanders (NERF) en Belgique contribuent à l’avancement des applications neurotechnologiques. Cette dernière entité bénéficie du soutien de l’entreprise imec, de l’Institut des sciences biologiques VIB et de l’Université de Louvain.
Source : U. Jena