Lorsqu’il est question des émissions polluantes liées aux véhicules, l’attention se porte souvent sur les gaz d’échappement. Pourtant, une autre forme de pollution, plus discrète mais non négligeable, émerge des interactions mécaniques entre la route et le véhicule. Une récente étude explore ce phénomène en mettant en lumière des résultats qui nuancent l’image écologique des véhicules électriques.
Les véhicules électriques bénéficient généralement d’une image positive associée à leur absence d’émissions directes via un pot d’échappement. Cependant, cette perception doit être affinée. Les particules générées par l’abrasion des pneus et des freins ont été mises en avant dans une recherche menée par Hesham Rakha au sein de l’Institut de Recherche sur les Transports de l’Université Virginia Tech. Ce travail a permis de quantifier ces émissions et d’établir des comparaisons avec leurs homologues fonctionnant à moteur thermique.
Le modèle développé par Hesham Rakha et son équipe démontre que les véhicules électriques produisent globalement moins d’émissions non-exhaustives. Toutefois, cette tendance varie selon les conditions de circulation. En effet, lorsque la densité du trafic augmente, les émissions non-exhaustives des véhicules électriques diminuent par rapport à celles des véhicules à essence. À l’inverse, dans des situations où le trafic est fluide, ces émissions deviennent supérieures pour les véhicules électriques.
Le rôle prépondérant du freinage régénératif
Un aspect particulièrement intéressant concerne le système de freinage régénératif présent dans les véhicules électriques. Cette technologie, qui exploite l’énergie cinétique issue du ralentissement pour recharger la batterie, permet de limiter l’usure des plaquettes de frein traditionnelles. L’effet direct de cette innovation se traduit par une réduction notable des particules issues de l’abrasion des freins.
Dans leur article publié dans *Transportation Research Part D: Transport and Environment*, Mohamed Farag et Hosein Foroutan expliquent que « le modèle développé prouve que les véhicules électriques à batterie, dans certaines conditions, offrent davantage d’avantages environnementaux ». Le système de freinage régénératif illustre par conséquent une approche ingénieuse qui allie performance technique et respect de l’environnement. Son impact pourrait être amplifié si des politiques urbaines encourageaient son adoption généralisée dans les flottes de véhicules.
Des modèles pour mieux comprendre les émissions
Pour réaliser leur analyse comparative, Hesham Rakha et ses collaborateurs ont utilisé un logiciel appelé INTEGRATION. Grâce à celui-ci, 24 véhicules – incluant des modèles électriques, hybrides et à essence – ont été testés dans divers scénarios de conduite représentatifs des conditions urbaines, autoroutières ou encore agressives. Chaque véhicule a été soumis à trois cycles normalisés définis par l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA).
Les simulations réalisées montrent qu’un seuil minimal de 15 % de conduite en milieu urbain suffit pour que les véhicules électriques génèrent moins de particules abrasives que leurs homologues thermiques. Ce résultat souligne l’importance de prendre en compte le contexte d’utilisation lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact environnemental global d’un véhicule.
La contribution de tels modèles dépasse largement le cadre académique. Ils peuvent être intégrés dans des programmes de simulation destinés aux décideurs politiques et aux planificateurs des transports. Ces outils permettent alors de mieux anticiper les niveaux d’émissions à l’échelle d’une ville tout en favorisant des solutions durables.
Poids et usure : un compromis complexe
Un facteur essentiel pris en compte dans cette étude réside dans le poids des véhicules électriques. Ces derniers pèsent en moyenne 40 % de plus que leurs homologues à essence, principalement en raison des batteries massives nécessaires à leur fonctionnement. Ce surpoids influence directement l’usure des pneus et, par conséquent, la production de particules abrasives.
Malgré cela, les résultats obtenus montrent que l’augmentation du poids n’entraîne pas systématiquement une hausse proportionnelle des émissions non-exhaustives. Les chercheurs ont réussi à développer des modèles capables de compenser cet effet grâce à des ajustements basés sur la vitesse et le type de conduite.
« Nous espérons que cet outil contribuera à informer des stratégies susceptibles de réduire la pollution globale liée aux véhicules », a précisé pour conclure Hesham Rakha. Il ajoute ensuite que ces travaux constituent une base solide pour promouvoir des solutions de transport véritablement durables.
Légende illustration : Les émissions de particules peuvent provenir de l’abrasion des pneus et des freins. Crédit : Jacob Levin for Virginia Tech.
Article : ‘Electric versus gasoline vehicle particulate matter and greenhouse gas emissions: Large-scale analysis’ / ( 10.1016/j.trd.2025.104622 ) – Virginia Tech – Publication dans la revue Transportation Research
Source : U. Virginia Tech