Aucun homme politique actuellement au pouvoir n’est capable de tenir un tel discours au prétexte que cela reviendrait à admettre l’impuissance de la classe politique à redresser notre pays. Tous préfèrent continuer à répéter en boucle les mêmes banalités, en essayant de trouver à chaque fois une nouvelle variante du célèbre refrain des « 4C » : crise, chômage, croissance, compétitivité. Des paroles tellement répétées que plus personne ne les entend. Alors plutôt que d’entretenir le mensonge, pourquoi ne pas faire preuve d’un peu de courage et de lucidité pour expliquer simplement la réalité du monde dans lequel nous vivons ?
La période économique qui se dessine à l’horizon s’annonce très différente de celles connues depuis l’après-guerre. Après les trente glorieuses et trois décennies d’endettement public extrêmes pour tenter, coûte que coûte, de faire tenir un système basé sur la consommation de masse, le moment est venu de passer à autre chose. Avec une difficulté, non des moindres : réussir à convaincre qu’un futur synonyme de moins peut rimer avec mieux.
Première mesure : en finir avec l’impératif de la croissance comme préalable indispensable à l’emploi. Cette affirmation, répétée en boucle par l’ensemble de la classe politique et issue du monde capitaliste, n’a plus aucun sens aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’il existe de nombreuses activités qui malgré les richesses immédiates produites seront demain génératrices d’importantes dépenses non prises en compte jusqu’à présent. Les fameuses externalités négatives dont le monde libéral refuse d’entendre parler (biodiversité, acidification des cours d’eau, eutrophisation, épuisement des ressources naturelles, etc…).
Si l’on admet que dans un futur proche, la réparation et la réutilisation des biens de consommations courants devront (re)devenir la norme au détriment du jetable et de l’obsolescence programmée, c’est exactement l’effet inverse qui risque de se produire : moins de PIB, moins de croissance et pourtant des milliers d’emplois potentiels à pourvoir sur tous le territoire. Faire plus et/ou mieux avec moins : un enjeu majeur pour réduire drastiquement l’impact de nos modes de vie sur les écosystèmes.
Ajoutons que ces activités réputées peu rentables (réparation, reconditionnement, recyclage, développement des énergies locales et renouvelables, etc…) sont souvent synonyme d’économies pour la collectivité à long terme. A condition bien sûr de faire preuve d’un minimum de vision, de ténacité et d’audace…
Deuxième mesure : en finir avec ce vieux réflexe colonialiste de la croissance à l’export. Que ce soit dans le bâtiment (champion toute catégorie des entreprises artisanales), l’agriculture, le commerce de proximité, la mobilité, les services ou les petites industries, c’est évidemment en local que toutes ces activités sont à développer en priorité. Ça n’est pas parce que les entreprises du CAC 40 réalisent une part croissante de leur chiffre d’affaire à l’export qu’elle doivent servir de modèle aux petites entreprises […]. D’autant que beaucoup nous le diront : on y vit pas nécessairement mieux qu’au sein d’une petite entreprise familiale investie dans l’avenir de son territoire.
Du coté des décideurs publics, c’est un discours qui passe plutôt mal car moins de croissance, cela veut dire pour les collectivités moins de moyens financiers. Et étrangement, dans le secteur public, faire plus et/ou mieux avec moins, c’est un impératif qui a encore du mal à passer.
Qu’on se le dise, l’avenir durable de la France, c’est d’abord à l’échelle des territoires qu’il faut l’imaginer. L’avenir est donc plus que jamais entre nos mains : il viendra d’en bas et non d’en haut. Dans un pays aussi centralisé que le notre, c’est vrai que ce futur là n’est pas toujours facile à mettre en place. Mais il faut garder espoir et continuer à se battre. Les territoires engagés dans la transition énergétique en savent quelque chose…
[ Archive ] – Cet article a été écrit par Guillaume Porcher